Cet atelier « à distance » s’est donné via les messageries courriels des participant.e.s entre 18h30 et 20h30.
Les consignes d’écriture ont été distillées au fil de ce temps imparti, comme un jeu de piste avec des haltes proposées et des orientations suggérées.
Une de ces premières haltes était liée à la musique de Philippe Glass, nommée « Einstein on the beach ».
Einstein est sur la plage, est-ce un rêve, la réalité, un autre monde, une hallucination ?
Chacun.e devait se lancer dans l’écriture d’un monologue dans lequel Einstein pouvait exprimer ses pensées, réflexions, rêves, préoccupations qui le traversent là sur cette plage. Bien sûr l’atmosphère particulière de ce morceau et du clip pouvait aider à construire la teneur de sa parole, son rythme.

« Me voici sur cette plage, existant de nouveau l’espace d’un instant.
Plusieurs questions me taraudent.

1. Suis-je en train de rêver ? Ou bien suis-je acteur malgré moi d’une réalité fictive qui m’emprisonne par manque de discernement ?
2. De cette incertitude découle l’angoisse de ne pas savoir sur quel plan de réalité j’évolue.
3. Pouvoir sortir de cette impasse, de ce jour sans fin, voilà ma préoccupation présente.
4. Faire confiance au Père ? Cela est d’habitude rassurant mais cette fois-ci, je préfère agir librement sans aide faussement protectrice.
5. Comment procéder alors ? Prendre conseil auprès du collectif, car après tout, d’autres avant moi sont passés par là ?
6. Oui, mais voilà. Ceux-là ne sont pas revenus et je ne peux donc compter que sur ma propre expérience.
7. Vouloir savoir. Savoir en délaissant toute crainte.

Je compte jusqu’à huit.

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 : Savoir ENFIN. »       SOPHIE

 

« Comment se sortir de cette impasse ?
Il m’est impossible de revenir en arrière. J’ai cru que cela n’arriverait pas, que cela n’arriverait jamais.
Je me trompais.
Cela est arrivé et, en plus, beaucoup plus rapidement que je n’aurais pu le prévoir dans mes pensées les plus pessimistes.
Je suis en colère, en colère contre moi-même, si naïf.
En colère contre les hommes, si perfides.
Ma colère est comme ces vagues qui viennent heurter les rochers. Chargée d’écume et de ressentiment, elle va et vient, elle souffle, elle gronde, elle rugit, elle s’enfuit, elle revient.
Toujours elle revient.
Comme le sable chaud sur lequel je me suis assis, elle s’immisce dans chaque pore de ma peau, elle me transperce, elle m’envahit.
Pour moi, c’est à la fois une immensurable déception et le grand désarroi dans lequel je me trouve aujourd’hui n’a d’égal que l’espoir qui me faisait vivre hier, qui me poussait à ne presque plus dormir, à me lever chaque matin, qui me poussait tout simplement à avancer.
L’espoir que quelque chose pourrait enfin changer.
Finalement, tout ce que j’ai construit ne va servir qu’à détruire.
Comment continuer à vivre après cela ?
Comment échapper à son destin? »     JEAN-LUC

Puis, nous avons poursuivi l’histoire avec Einstein en proposant qu’arrive furieuse sa jeune maitresse qui le cherchait partout. Il fallait alors imaginer un dialogue dans lequel on devait sentir une tension grandissante. Chaque personnage devait avoir un but bien précis contrarié par l’autre. 
Nous avons proposé plusieurs contraintes d’écriture et de situations à intégrer obligatoirement dans chaque texte :
– Inclure les phrases « tout est relatif » et « tu ne vas pas recommencer avec ça » dites par l’un.e et/ou par l’autre
– Albert doit tirer la langue à un moment donné.
– Un problème climatique ou culinaire doit survenir dans la scène.
« Albert Einstein est dans sa cuisine assis sur une chaise non loin de la cuisinière, l’air totalement épuisé. Attirée par une forte odeur de brûlé en provenance de la cuisine, Elvire arrive en courant et vociférant.

Elvire : C’est pas possible ! Je t’avais demandé d’arrêter le four il y a vingt minutes ! (Elle sort le plat du four)  Regarde maintenant l’état du gigot : complètement cramé !

Albert : Laisse-moi voir. Bon, disons que le processus de déstructuration moléculaire d’origine hypercalorique s’est parfaitement réalisé, conduisant ainsi à la formation bien connue de « molécules de Maillard. Tu vois, c’est finalement une question de point de vue : tout est relatif, ma caille. (Il tire tendrement la langue à Elvire)

Elvire : Ah, tu ne vas pas recommencer avec ça, hein ? Ta fameuse théorie qui arrive toujours à point nommé pour te sortir de tes multiples incompétences domestiques ! (soudain inquiète) Qu’est-ce qu’on va proposer aux Girard, maintenant ? On va être bons pour commander et se faire livrer par Déguelroo. Si c’est pas malheureux, quand même. Mais que va penser Madame Girard ? (se tournant vers Albert toujours assis)  Bon, tu les appelles, Al ?

Albert : Oui, quand j’aurai terminé de faire mes lacets. Il ne me reste  plus que  la chaussure gauche. Figure-toi que ça fait plus d’une demi-heure que j’y suis.

Elvire (mine décomposée) : C’est pas vrai ! Tu as oublié le four parce que tu étais occupé à faire tes lacets ?

Albert : Non, je n’ai pas oublié. Tu aurais peut-être préféré que je chute à cause de chaussures mal lacées, m’obligeant ainsi à reconnaître la théorie fumeuse du fanatique des pommes ? La science n’est vraiment pas affaire de femmes…

Elvire (laissant naïvement tomber le gigot sur les chaussures d’Albert) : Oups ! Totalement d’accord avec toi, mon canard.  »  SOPHIE

 

« Elle.- Albert ?

Lui.- Comment échapper à son destin.

Elle.- Albert, tu es là ?

Lui.- Bien vu Eva. Je suis là !

Elle. –Tu as oublié chéri ?

Lui. – Non, je n’ai pas oublié. Je ne pense même qu’à cela

Elle.- Tu ne vas pas recommencer.

Lui.-  Je ne peux pas, je ne peux plus, je ne pourrai plus jamais.

Elle.- Albert…

Lui.- Quoi Albert ? Je te dis que je ne veux pas y aller.

Elle.- Mais, tu devais me déposer à la gare après ?

Lui.- Alors, nous avons le temps.

Elle.- Mais quand même, tu ne peux pas leur faire ça. La réception, les invités, la presse. Le monde entier a les yeux braqués sur toi, Albert !

Lui.- Le monde entier, je l’emmerde (Il tire la langue).

Elle.- Albert !

Lui.- Je me suis fait avoir, je n’aurai jamais dû signer cette lettre. Je vais le regretter  toute ma vie.

Elle. –Tu ne pouvais pas savoir.

Lui. – Que le monde entier ait pitié de moi.

Elle.- Tu exagères toujours.

Lui.- Cette  lettre  va nous plonger dans le chaos.

Elle.- Tout est relatif.

Lui.- Je ne crois pas, non.

Elle.- Et si la peur de l’autre, la peur de la terreur, de l’abîme  nous paralysait à tel point que la seule issue serait la paix ?

Lui.- Oui, mais à quel prix !

L’orage qui grondait sourdement éclate soudain, mettant un terme à la discussion. Albert prend la main d’Eva.

Lui.- Vite, rentrons. »       JEAN-LUC