Éclairer un récit

Nous entamons plusieurs séquences d’écriture autour d’un même ouvrage « La Petite lumière » d’Antonio Moresco, un auteur italien contemporain assez vertigineux. 

« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant« . C’est par ces mots que commence le récit. Dans l’étrangeté de la nuit, étreint par cette nature décrépite et omniprésente, le narrateur de là où il est aperçoit au loin une petite lumière et s’interroge de sa provenance. 

La 1ère consigne donnée est de poursuivre l’écriture de cet extrait lu sachant qu’il devra finir par les phrases suivantes :

« Qu’est-ce que ça peut bien être, cette petite lumière ? »,  je me demande encore.

Je ferme la petite fenêtre. Je me remets au lit. Peu après, je m’endors.  

 

 

 

L’obscurité gagne du terrain, elle progresse petit à petit. C’est une nuit sans lune, sans étoiles.

Aucune clarté. Mais la petite lumière est toujours là, une sorte de halo s’est formé autour d’elle. Un peu comme la flamme d’une bougie, la lumière semble vaciller, elle tremblote

J’ai beau regarder ailleurs, invariablement mes yeux reviennent sur cette petite lumière. Et je me prends à rêver, à imaginer toutes sortes d’explications à sa présence : la cabane de quelques chasseurs nocturnes en quête de sangliers ou de chevreuils, la cabane de bûcherons trop fatigués le soir pour rentrer chez eux…

Les petits animaux nocturnes se sont tus. Bientôt, les plus gros vont les remplacer. En attendant, c’est le silence, un silence épais, profond.

Tout à coup, il me semble que la petite lumière clignote, comme si elle voulait m’envoyer un signal, me dire quelque chose.

Avons-nous franchi une ligne ? Appartiendrait-elle à un autre monde ? Est-elle venue me chercher ? Soudain, j’ai presque peur et frissonne. Je décide de rentrer, j’ai hâte de retrouver ma chambre, ma lampe, la chaleur de mon lit, de retourner dans mon monde.

Une fois couché, c’est plus fort que moi : je me relève et ouvre la fenêtre.                      MARIE-CHRISTINE

 

 

 



Qu'est-ce que ça peut bien être ?

Est-ce un berger en transhumance qui va, comme chaque soir, inspecter une dernière fois son troupeau réfugié dans la même grotte de fortune ?

Est-ce une âme solitaire, comme moi qui s'est installée plus haut encore dans la montagne, pour y trouver la paix  et qui la nuit venue, vient retrouver son abri : il y a des ruines, encore habitables, et qui sait, à l'heure où la nature en paix s'endort tranquille, les hommes aussi sont prêts à sombrer dans un sommeil serein.

Qu'est-ce que ça peut bien être cette petite lumière, je me demande encore ? Je ferme la petite fenêtre et je me mets au lit. Peu après je m'endors.   MARIE




 Il trouve en ce lieu perdu de nature le repos voulu, désiré même, depuis longtemps. Et çà marche. Seul, au milieu de nulle part. Non, pas vraiment. Chaque parcelle de nature est vibrante de vie. Il écoute. Il entend. Il sent qu’il est là à sa place, dans cette nuit qui vient, qui pèse comme un couvercle sur son âme triste.

Plus rien ne presse, puisque la vie est là, sans inquiétude. Bien sûr, cette petite lumière au loin, le questionne. Elle ne le perturbe pas pourtant.

Il est venu ici pour enfouir tout ce qui le rattache au monde. Ne plus voir personne, ne plus avoir à subir toute cette pression qui l’amenuisait de jour en jour.

Ici il va revivre. Il le sait. Il le sent. Et cette petite lumière là-bas, perdue dans le noir, c’est tout de même un réconfort ; juste une petite lumière qui lui suffit pour se sentir exister dans le moment présent. « La nuit n’est jamais tout à fait noire… ».        ANNICK
 





Les hirondelles s’en sont allées. Le silence de la nuit s’installe durablement, lourdement. Inlassablement.

La lune presque pleine, bientôt, éclaire les pieds de ma chaise engloutie. J’enfile mon manteau, rajuste mon chapeau, renoue mes lacets et me décide à avancer vers ce phare d’inconnues.

Sans conviction. J’avance. Avec une petite peur qui vibre dans mon ventre. A pas lents et muets je grimpe.

À chaque pas une question.

Pourquoi savoir ?

D’où vient ce besoin de savoir ?

Ce qui se cache derrière une fenêtre… est-ce toujours bon de le découvrir ?

Et si des souvenirs oubliés lointains enfouis me reviennent, que ferai-je alors de mon envie folle de disparaître ?

Si je disparais vraiment, qui me cherchera, qui viendra me chercher ?

Une lumière, lueur, luciole ou étincelle fait elle toujours sa révolution quelque part en nous? Dans le tunnel de nos histoires ?

Seules les hirondelles savent ce qu’il reste de nous quand la flamme se meurt, que la lumière s’éteint. Nous sommes ces oiseaux de passage qui inlassablement attendent de suivre l’éclair au bout du chemin. Et là moi je vais vers une autre lumière, petite étoile dans la nuit.

Et j’avance et j’approche. Je tremble un peu, vacille au rythme de la flamme. Bientôt j’aurais une réponse. Peut-être.

Qu’est-ce que ça peut bien être cette petite lumière ? Je me demande encore.

Je ferme la fenêtre. Je me remets au lit. Peu après, je m’endors…                     HÉLÈNE




 

Nous poursuivons avec la lecture d’un nouvel extrait de cet ouvrage. 

Voici le narrateur dans une épicerie, tenue par une dame âgée entourée d’une kyrielle de chats.

2 hommes évaluent la qualité d’un outil de jardinage.

Un jeune homme obèse vêtu d’une tenue phosphorescente, assis dans un coin, à l’air un peu abruti ne se départit pas d’un sourire.

Le narrateur demande si quelqu’un sait quelle est cette petite lumière en haut de la montagne.

Les uns et les autres ne voient vraiment pas ce que cela peut être jusqu’à ce que le jeune homme lance : « Ce doit être un ovni »

Nous demandons de poursuivre l’écriture de ce texte en imaginant une scène dialoguée dans l’épicerie ou dehors.

Le texte devra s’achever par cette phrase du​ narrateur :  « Demain, j’y vais ! »




Le narrateur : Vous croyez aux extra-terrestres ?
Le jeune homme : Ben oui, bien sûr ! En Amérique, ils en ont vus plein, j’ai lu ça sur Internet.

La vieille dame : Marc, arrête de dire des bêtises et donne à manger aux chats !

Premier client : Tu ne devrais pas laisser ton fils passer des heures sur Internet, ça lui bouffe le cerveau !

Deuxième client : T’inquiète, la connexion est tellement mauvaise qu’il ne doit pas avoir le temps de lire trop de bêtises. Et vous, Monsieur, vous avez Internet ?

Narrateur : Vous plaisantez ! Comment pourrais-je avoir Internet là-bas, dans mon hameau ?

Deuxième client : Je ne sais pas, mais vous aussi, vous avez le cerveau bien entamé : prétendre qu’il y a une petite lumière tout là-haut sur la crête. Mais qui aurait eu l’idée de mettre l’électricité là-bas ? Et déjà qui aurait envie de vivre là-bas ?

Premier client : En tous cas, c’est la première fois qu’on entend dire une chose pareille.

Narrateur : Que vous me croyez ou pas, j’en aurai le cœur net : demain j’y vais !                   MARIE-CHRISTINE





À ce moment là une jeune femme arrive, on se croise devant la porte. Elle me semble différente des autres, plus dynamique, plus ouverte et je décide de l'attendre, après tout je n'ai aucun impératif de temps. Je m'assois près de la fontaine, devant l'épicerie et quand elle ressort, je m'avance vers elle.

- Bonjour, je m'appelle Samuel et je suis installé depuis quelques temps là-haut après Saint-Benoist, sur la route du Col.
- Mais il n'y a plus personne par là-haut ! Excusez-moi je m'appelle Méli (en fait Mélisande). Moi je suis un peu plus bas dans la vallée, mais comme il n'y a rien autour de chez nous, je monte de temps en temps jusqu'ici à l'épicerie. J'ai du reprendre la ferme de mes grands-parents, vous savez pour eux elle représente toute leur vie.
- Oui je comprends, mais ce ne doit pas être simple pour vous ?
- J'ai eu du mal au début, parce que je suis une fille de la ville, sans doute comme vous, mais je ne me sentais pas d'abandonner la ferme. Déjà quand mes parents sont partis s'installer en ville, ça leur a fait un coup, mais ils étaient plus jeunes, c'était plus facile.

Il la trouve pétillante et un courant de sympathie s'installe immédiatement entre eux. Il sent qu'avec elle, il pourrait avoir des discussions et qu'elle ne le considère pas comme un étranger ; Ce que les gens d'ici pensent certainement de lui. Il en a eu un exemple dans l'épicerie, tout à l'heure. Il poursuit, plus détendu :

- Vous connaissez la montagne au-dessus de Saint-Benoist ?
- Oui, bien sûr, petite j'y allais souvent avec mon grand-père, nous y avions des terres. Mais ça fait un moment que je n'y suis pas remontée, la ferme me prend tout mon temps, alors...
- Je me demandais juste si vous sauriez ? Je suis intrigué par une petite lumière qui la nuit tombée brille toujours au même endroit dans la montagne, plus ou moins à la même heure, juste avant que j'aille me coucher.
- À ma connaissance, il n'y a plus personne là-haut.
- Bon j'ai vraiment envie de savoir, demain j'y vais !
- Je peux peut-être venir avec vous, je connais bien la montagne. On s'appelle demain ? Voilà mon numéro, dit-elle en rejoignant sa voiture. À demain !      MARIE

 

 

 

 

La réponse le sidérait. La vieille levait les bras au ciel et les deux acheteurs riaient sous cape.

Avec cette chaleur et cette puanteur, il n’avait pas envie d’en découdre avec cet imbécile. La vieille commerçante lui remit ce qu’il avait commandé, tout à fait souriante et aussi avec cet air de ne pas vouloir lâcher le paquet.

« C’est peut-être un feu qu’un touriste de passage aura allumé pour la nuit » dit elle.

Les deux hommes gloussaient. « Impossible, la vieille, il n’y a pas de chemin de ce côté de la crête. Et puis on le saurait, si quelqu’un séjournait là. Tout se sait ici. Il n’y a pas de secret ».

« Moi je vous dis que c’est un coup des Alliens. Avec ma tenue fluo, j’espère bien entrer en contact avec eux » dit l’homme obèse.

« Bon, je vois. Puisque c’est ainsi, demain j’y vais » (narrateur)

Il partit avec son sac sous le bras. Après tout, il faut bien qu’il sache maintenant qu’il fait jour.    ANNICK

 

 

 

 

 

- Alors ça doit être un OVNI

- Vous plaisantez ?

- Non, pourquoi ?

- Ne l’écoutez pas, il est toujours dans ses histoires, il regarde trop la télé, a répondu la vieille dame, il a trop d’imagination

- Ben en même temps ça se pourrait bien, dit l’homme à la bêche

- Qu’est-ce qui se pourrait ? Un OVNI qui passe là tous les soirs à la même heure ? Vous délirez… - Attendez, je peux vous dire que ce que je vois c’est une lumière qui reste éclairée jusqu’à l’aube. Un OVNI resterait il si longtemps au même endroit ? Dis-je

- Ben oui. Vous savez bien les OVNI c’est envoyé par les américains pour espionner. Il faut du temps pour ça, de la persévérance.

- Ah pour sûr, on se demande bien ce qu’ils pourraient espionner dans notre trou à rats, enfin trou à chats !

- Eh bien ils pourraient espionner les étrangers qui débarquent. N’est-ce pas monsieur Mystère ? D’abord qui êtes-vous vous et pourquoi venez-vous ici ? Vous avez des terres ? Une maison à retaper ? Un crime à cacher ?

- Arrêtez, dit la vieille dame, vous savez bien qu’on a toujours été un village d’accueil ici. Rappelez-vous quand même. Les Justes ça vous parle non ?

- Ah ça y est, ça lui reprend, dit le garçon au costume réfléchissant. Tu vas pas nous ressortir la chanson Nuit, brouillard etc.… Un OVNI je vous dis. Ils l’ont dit à la télé il y a une recrudescence en ce moment.

- Allez, c’est ça, dit le paysan, il faut toujours trouver un coupable, un bouc émissaire, ils ont bon dos les extra-terrestres. Moi j’ai bien une idée de ce que c’est, mais je ne peux pas vous dire…

- Oh arrête toi aussi avec tes phrases mystères. Pourquoi que tu dirais pas ?

- Eh ben relisez les journaux d’il y a dix ans, et vous comprendrez, peut-être.

- Vous voulez dire que cette petite lumière là-haut brille depuis dix ans et que personne n’a voulu aller voir. Ni chercher à comprendre, dis-je. Très bien, parfait, alors, moi, demain j’y vais !                               HÉLÈNE

 

 

 

 

Quelle est-elle cette petite lumière ?! 

« Une âme sœur comme lui volontaire en solitude » selon Annick. Ou alors suggère Hélène « une saveur d’enfance qui revient« . Marie, elle, propose « Une lampe tempête avec une batterie solaire qu’un promeneur solitaire a laissé avec un message « tant que cette lumière brillera, l’espoir vivra » ».

Un peu de tout cela.