Des étoiles dans la langue

Au mot cirque les yeux pétillent. Roulottes, nomades, lumières, musique, éléphants, hommes-crocodiles, femmes-tronc, clowns, trompettes, peur, joie, rires

Les applaudissements retentissent, les lumières se rallument ou s’éteignent, l’odeur de la piste nous enivre.

Tentons de l’écrire !

Commençons par l’appel des bonimenteurs, et l’ingéniosité de leur langue pour persuader le chaland d’entrer dans la baraque à prodiges.

L’imaginaire doit être convoqué, titillé, émoustillé, ainsi les images fascinantes qui naitront les décideront finalement à « aller voir ».

Josiane, Justine, Marie B. et Marie-Christine se lancent :

 

 

« Approchez-vous, approchez-vous ! Bienvenue à tous ! Aujourd’hui, un spectacle exceptionnel, du jamais vu.
Aujourd’hui, sous ce chapiteau Mme Zapata va vous montrer l’inimaginable.
Elle va, sous vos yeux ébahis, traverser ce fil très fin mesurant à peine 1 centimètre.
Mais ce n’est pas tout. Hé non !
Car sous elle se trouvera un bassin rempli d’anguilles mangeuses d’hommes.
Ces anguilles viennent de très loin, par ailleurs, elles ont déjà tué plusieurs hommes et bien plus encore.
Elle va dans quelques instants interpréter ce numéro très dangereux pour vous.
Elle risque la mort et pourtant, elle va le faire sous vos yeux.
Elle ne doit surtout pas tomber. Vous croyiez vraiment que le numéro s’arrêterait ici, vous vous trompez.
Mme Zapata va exécuter ceci sur les mains, oui la tête à l’envers.
Si vous craignez le sang et la tension, partez car vous ne pourrez supporter cette incroyable représentation.
Accueillez chaleureusement Mme Zapata pour son courage.
Mesdames et messieurs, la voici.
Je lui laisse la place.
La voici. »        JUSTINE

 

 

« Mesdames et messieurs vous allez découvrir un numéro extraordinaire.
L'homme qui se présente à vous, costaud, râblé, une force de la nature va s'immerger dans un bac rempli d'eau.
Il sera enchainé, les yeux bandés.
Les personnes sensibles sont prévenues et peuvent éviter de regarder le spectacle.
Ce sera stressant, voire extrêmement angoissant et va se dérouler sous vos yeux.
Il tentera pendant un temps assez court de se défaire de ses chaines, 
vous allez bien entendu, retenir votre respiration, mais lui aussi. »

Le temps semble durer, les minutes s’écoulent, lentes, inexorables. 
Il ne va pas y arriver et la tension du public est à son comble. 
Soudain cet athlète jaillit hors de la cuve, les pupilles dilatées, les veines gonflées au maximum. 
Un cri immense, mêlé de soulagement s'échappe de la foule, il a réussi cet exploit, 
la peur qui était dans tous les cœurs s'éloigne et une grande joie éclaire tous les visages."    JOSIANE

 

« Mesdames et Messieurs, les enfants,
ce soir dans votre ville,
un événement inédit,
un événement inouï,
un événement inoubliable !
Notre cirque, le cirque AUGUSTINUS,
va donner une représentation
avec des numéros tous plus exceptionnels les uns que les autres
produits par des artistes de grande qualité
venus du monde entier !
Mais surtout, surtout,
ne ratez pas le clou de notre spectacle,
un numéro sensationnel
que celui qui ne sera pas venu regrettera bien d’avoir manqué
quand demain matin, toute la ville en parlera !
Imaginez, imaginez 
Un tigre du Bengale, une bête magnifique !
De nombreux témoignages
rapportent que ce tigre
est le plus beau jamais vu !
Maintenant, imaginez Joseph, notre dompteur,
le plus doué de tous les temps !
Joseph vous ravira avec un numéro de dressage
à couper le souffle, merveilleux.
Mais il vous faudra beaucoup de cran
pour suivre le numéro jusqu’au bout,
image insoutenable de l’amitié,
de la confiance entre le dompteur et son animal :
Plus d’un parmi vous n’en reviendra pas
quand Joseph mettra sa tête dans la gueule du tigre ! »          MARIE-CHRISTINE



«Attention Mesdames et Messieurs, attention, ce que vous allez voir et vivre ce soir, 
vous ne l'oublierez plus jamais : ça vous accompagnera, ça vous obsédera, ça vous bouleversera 
et vous ne serez plus jamais le même après cette expérience. 
Il y aura de la peur, de l'angoisse, du soulagement, mais aussi des rires et des larmes.

Réfléchissez bien avant de vous décider, car une fois entré, 
vous ne pourrez pas ressortir avant la fin du spectacle !

Écoutez, écoutez le son des tambours qui vous entraîne et vous emmène sous la tente. 
Mais n'oubliez pas de donner 5 sous à la belle nymphe que voilà, sinon vous ne pourrez pas entrer !

Installez vous, vite, vite, car les lumières vont bientôt s'éteindre pour l'arrivée de la « chose » : 
elle est déjà là, tapie dans l'ombre, aiguisant son souffle, murmurant à votre oreille des secrets inavoués. 
Entendez-vous son rire démoniaque ? C'est maintenant Mesdames et Messieurs, 
c'est ici que tout se décide, alors vous entrez ?

Allez, allez, la salle est presque pleine, bientôt il n'y aura plus de place.

Hé Monsieur, vous là-bas et vous Madame, vous êtes sûre que tout ira bien ? 
Alors dépêchez-vous et ces Messieurs-Dames ici devant moi ? 
Et ces jeunes gens, allez les gars, venez, VENEZ, VENEZ…
Stop, c'est fini, la salle est pleine. Désolé, vous ne pouvez plus entrer. 
Il vous faudra revenir à notre prochaine séance, demain soir, 
mais vous pouvez acheter votre billet maintenant, pour être certain de pouvoir entrer.

ET JE DEMANDE MAINTENANT LE SILENCE !!!!!»          MARIE B.

 

 

 

Oui silence maintenant ! Car nous visionnons un extrait du film Les Ailes du désir !

Marion la trapéziste est dans sa loge. Elle pleure. Elle vient d’apprendre que le cirque est sur le point de fermer.

Son désespoir est palpable, elle devra une fois de plus tout réinventer de sa vie. Son ange gardien est là juste derrière, qui l’écoute.

Les ailes du désir – Wim Wenders (1987) – YouTube

Nous proposons d’écrire un récit qui fait suite à cette scène dans la loge. Marion doit entrer en piste. Va t’elle donner son numéro ? Si oui, va t’elle le réussir ? Comment, à quel moment, pourquoi interviendra son ange gardien ?

 

 

 

"Le sourire de l’Ange

 "C’est l’heure ! Je dois entrer en piste. 
Pour cette dernière représentation, le cirque est plein à craquer, il n’y a plus une place libre ! 
Il faut y aller. Dehors, c’est la pleine lune, une clarté bleutée, très vive, se devine à l’extérieur du chapiteau 
et contribue à créer une atmosphère particulière, inhabituelle.
Je ne ressens pas la chaleur des autres soirs, la ferveur, et du coup, je me sens bien seule, 
seule avec ma peur qui grandit au fur et à mesure que je m’approche de la piste. 
Habituellement, c’est l’inverse : le trac, la peur diminuent quand je m’empare du trapèze.
Chaque soir, je me dois d’être encore meilleure. 
C’est pour cette raison que j’ai travaillé avec acharnement. 
Mon numéro est parfaitement rôdé, mais je parviens encore à l’améliorer, à ajouter de nouvelles figures. 
Le cirque, c’est ma vie, je m’étais parfaitement intégrée à l’équipe, 
j’aimais le rythme des entraînements, des représentations et des repos. 
Cela me rassurait.
Aujourd’hui, je sais que tout va s’arrêter.
Je ne peux pas supporter l’idée de tout perdre encore une fois. 
Je suis submergée par le chagrin qui reprend ses droits. 
Tout remonte à la surface, le passé me rattrape."

Marion hésite, les larmes brouillent sa vue. Elle tremble.
L’Ange est là, il l’a suivie :
- Marion, n’y va pas. Renonce à faire ton numéro.
Marion hésite encore, puis elle affiche un grand sourire, sèche ses larmes et attrape d’une main ferme le trapèze. 
En avant la musique !
L’Ange, dans l’ombre, s’écarte tout doucement et affiche, lui aussi, un grand sourire."       MARIE-CHRISTINE







"L'ANGE ET LA TRAPEZISTE

Marion essuya ses larmes et sourit au miroir pour surmonter l'angoisse qui la submergeait depuis un moment. 
C'était la dernière fois qu'elle allait monter tout en haut, près des étoiles. 
Il fallait qu'elle se reconcentre « Show must go on ».

Un dernier nuage de poudre sur le nez et sous les roulements de tambour et les maigres ovations d'un public clairsemé, 
elle entra sur la piste, où l'attendait Miguel, son partenaire. 
Il s'avança à sa rencontre, lui fit une courbette ainsi que son baise-main habituel 
et lui présenta la boîte de talc qu'elle mettait pour protéger ses mains de la corde rêche.

Elle refusa le harnais de sécurité et s'avança avec lui, fière et souriante, au centre de la piste, 
comme s'il y avait un millier de personnes pour les acclamer. 
On sentait en la voyant ainsi digne et souveraine qu'elle se devait de réussir son numéro. 
Elle prit la corde en main et gravit lentement, mais avec force et adresse, la distance qui la séparait du trapèze, 
pour arriver enfin sur la petite plate-forme, tandis que son partenaire rejoignait lui-aussi l'autre plate-forme.
Ils étaient à plus de quinze mètres du sol et les projecteurs braqués sur eux, jouaient avec les strass de leur costume.

Dans la salle, les spectateurs retenaient leur souffle, quelques uns se tordaient les mains 
ou s'accrochaient à leur voisin. 
La tension était telle que l'ange gardien de Marion la ressentit lui aussi 
et se dit qu'il fallait être prêt à faire un petit miracle, en cas de besoin ! 
Il était tout près d'elle quand elle commença à faire balancer le trapèze vers Miguel, 
de plus en plus loin et de plus en plus haut. 
Il lui insuffla énergie et force et elle s'élança légère, tel un papillon diaphane, 
pour rejoindre l'autre plate-forme, avec un rétablissement impeccable. 
L'ange avait du mal à suivre, mais bon c'était son boulot, 
protéger une trapéziste n'était pas de tout repos !

Le numéro se déroula avec les figures prévues que les deux partenaires qui se connaissaient bien, 
savaient anticiper au bon moment et au bon rythme : ils volaient, volaient, se croisaient, se touchaient, 
se retenaient, exécutaient leurs salti avec brio, élégance et sûreté. 
La salle était subjuguée ! 
L'ange commençait à décompresser, mais se reprit juste à temps 
quand il se rendit compte que le trapèze ne balançait plus au bon rythme, Marion se fit hésitante.... 
Alors il la prit dans ses bras, déployant ses ailes invisibles pour l'amener, dans une ultime figure, 
vers la corde de descente.

C'était fini : le soulagement se lisait sur le visage des deux artistes 
et malgré le maquillage qui figeait leurs traits, on les sentait se détendre, 
avec dans le regard la fierté de ce qu'ils avaient accompli, 
mais aussi la nostalgie de ce qui ne serait plus.

Et l'ange rangea ses ailes…"          MARIE B.



"Le Dernier saut de la fabuleuse Marion

Marion s’avance vers le milieu de la scène. 
Elle a le pas assuré, en tous cas c’est ce que le public voit. 
Lui, je veux dire son ange gardien la regarde, il la regarde avec bienveillance et douceur. 
Elle a un large sourire, il le faut.

Lentement soutenue par des centaines de regards la fixant, elle monte à l’échelle la conduisant au premier trapèze. 
Elle a des doutes qui l’envahissent mais étrangement, elle sent comme une présence rassurante planer autour d’elle. 
Mais pas le temps de penser, elle doit faire ce numéro et celui-ci à la perfection.

Pour elle la pression monte, elle veut réussir, elle doit réussir sa dernière représentation. 
Le public attend, il se tait. Chacun attend le début avec impatience.

Marion pose ses mains sur le trapèze, le spectacle commence. 
La première balance se passe bien, elle se réceptionne parfaitement et le public est content, 
toutefois il ne semble pas satisfait. Ils veulent plus de difficultés.

La trapéziste pose ses deux mains sur le balancier, prête à s’élancer à travers les airs. 
Dans sa tenue blanche éclatante et brillante, éblouissante de beauté,  
mettant en valeur les courbes parfaites de son corps. 
Elle se penche aisément vers une caisse en bois vieille d’au moins plusieurs années. 
Elle soulève le couvercle dont les verrous tendent à céder. 
Elle sort un bandeau rouge éclatant qu’elle noue avec délicatesse devant ses yeux. 
Le public crie, elle va vraiment le faire ? C’est bien trop dangereux ! 
Il n’y a aucun filet sous elle, elle peut mourir.

Ses mains assurées saisissent le trapèze, l’ange gardien la fixe, 
il a peur et comme le public, il retient son souffle. 
Elle recule lentement et enfin saute dans le vide pendu au-dessus du vide. 
Les yeux de tout le public sont rivés sur son corps flottant dans les airs tel un ange. 
Voilà le moment de saisir l’autre barre. Sa première main saisit aisément la barre. 
Tandis que l’autre dérape et pend dans le vide. Le poids de son corps les stoppa net entre les deux trapèze. 
Son corps se balance, avec comme seul soutien sa main droite. 
Cet élan ne lui permettra pas de regagner l’autre bord, alors que fait-elle ? 
D’une souplesse agaçante, elle s’enroule autour de la barre et se replace en position assise. 
Le public ébahi sourit, elle a réussi et cela elle le savait. L’ange gardien aussi d’ailleurs.

Elle se relève sans aucun doute. Et oui, l’élément de surprise. 
Elle finit par sauter en faisant deux saltos et à atterrir sur la plateforme. 
Qu’avez-vous cru ? Elle est douée Marion, elle sait impressionner. 
Elle salue le public, fière, le cœur léger sans le moindre doute à l’horizon. 
Elle est et restera la fabuleuse Marion."             JUSTINE



Bravo au groupe pour les textes, chapeau bas à toutes !