La Poésie en quête

Depuis plus de 20 ans, le mois de mars a été décrété « printemps de la poésie ».

Nous ne pouvons que nous réjouir de sa célébration car celle-ci donne l’occasion pour tous de l’entendre et de s’en emparer.

Les mots circulent, sous toutes leurs formes, et dans toutes leurs expressivités, un joyeux bazar !

Mais est-il utile de rappeler que la poésie est partout, que la poésie est tout le temps, que la poésie est hors du temps, incessante, insaisissable, inconstante ? Non, bien sûr, pas utile car nous le savons.

Alors faisons feu de tous nos sens, soyons chairs palpitantes, et attrapons tous crocs dehors le poème à écrire !

 

 

En préambule de l’atelier nous proposons de nous inspirer de l’écriture de haïkus, le printemps étant propice au réveil des sens et des sensations.

Nous rappelons que le propre du haïku est d’exprimer en peu de mot quelque chose de « grand » par l’observation du « petit » .

Nous oublions pour une fois la forme contraignante : 3 vers en 5-7-5 pieds pour libérer l’expression de chacun.e !

Voici deux petits poèmes proposés par Josiane :

 

 

« Ce soleil léger réchauffe tendrement ton dos

Tel un papillon voletant de branche en branche

Un plaisir immense et inexpliqué  »

 

« Toi , alouette chantante

Réjouis mon cœur triste

Illumine la journée de ce promeneur  »  JOSIANE

 

 

Ensuite nous invitons le groupe à composer un conte en s'appuyant sur les éléments qui apparaissent
sur l'affiche officielle du Printemps de la poésie : une femme en robe de soirée transporte un arbuste la nuit. 
C'est le printemps. Et d'ailleurs d'où vient-elle ? Où va t'elle ?
Nous conseillons d'inclure les composantes essentielles qui font d'une simple histoire un véritable conte : un héro/héroïne, 
une quête, un obstacle à cette quête, un élément magique, une transformation...
Commençons par le texte de Marie B. et sa belle allégorie :

 

« L’ÉPHÉMÈRE ARBRE À POÉSIES

 

Elle marchait depuis combien de temps, elle n’aurait su le dire ? Elle avait perdu la notion du temps et de l’espace aussi.

Elle ne sentait pas la fatigue, la solitude, la soif ou la faim.

Elle avançait, heureuse de cette mission qu’on lui avait confiée : sauver l’Arbre à poésies et l’emporter sur l’Île des Poètes,

pour la cérémonie du Printemps des Poètes.

 

Il fallait qu’elle y arrive avant l’éclosion pour que le jour du printemps, comme chaque année,

les poésies s’ouvrent toutes en même temps, là-bas sur l’Île, où l’on devait déjà scruter la mer, en attendant son arrivée.

 

Elle savait qu’elle avait encore quelques jours et quelques obstacles devant elle,

mais la date se rapprochait et surtout les autres feraient tout pour l’empêcher d’atteindre son but.

Elle avait un avantage sur eux, elle les connaissait, mais eux ne savait pas qui elle était.

Et puis elle pourrait toujours poser l’arbre qui la recouvrirait alors de ses feuilles et la cacherait, elle entendrait ainsi des bribes de poésie.

Quel réconfort d’avoir la tête pleine de poèmes dans cette situation difficile et dangereuse.

 

Cette année l’arbre s’appelait l’Éphémère, elle trouvait ça très joli et très évocateur,

car les poésies se murmuraient mais ne se conservaient plus depuis qu’ils avaient bannis les poètes du monde de technocrates, cyniques et sans âme qu’ils avaient créé voilà trois siècles.

Il paraît qu’avant, chacun était libre d’écrire des livres. Ils étaient conservés dans des lieux appelés « Bibliothèque »,

où on pouvait les emprunter pour les regarder, les lire, les recopier.

Il y avait même d’autres endroits où on avait la possibilité de les « acheter », elle ne connaissait pas très bien le sens de ce mot,

mais elle avait cru comprendre qu’en échange de quelque chose qui nous appartenait on gardait un livre tout le temps !

Ce devait être merveilleux de lire et relire tous ces mots, ces phrases et surtout ces poèmes…

 

Heureusement ce savoir avait perduré grâce aux poètes, ceux qui s’étaient enfuis sur l’Île des Poètes.

Avant de partir, ils avaient semé de petites graines un peu partout dans le pays.

Elles poussaient, poussaient au milieu de la végétation, hors des bulles qui recouvraient les villes.

La difficulté était de repérer ces arbres à Poésies et pour ce faire, réussir à s’échapper des villes, pour en trouver un,

ensuite le préparer minutieusement pour le voyage jusqu’à l’Île et enfin se déplacer dans ce no man’s land, sans se faire repérer par les drones espions.

Mais surtout tout cela devait se faire avant sa floraison.

 

Elle était très fière d’avoir été élue pour cette mission. Elle s’y était préparé depuis des mois et tout avait été organisé pour qu’elle réussisse.

Elle avait très soigneusement choisi son vêtement : sa robe couleur du temps qui changeait selon l’heure et l’endroit,

lui permettrait ainsi d’échapper à ses poursuivants.

Dans trois jours, elle aurait rejoint le port de Gaïa où elle embarquerait, si tout se passait bien, pour l’Île.

 

L’arbre se faisait léger pour ne pas peser sur ses épaules et quand il la sentait fatiguée, il faisait bruire son feuillage,

pour l’éventer, lui redonner un peu d’énergie et d’amour.

Si elle réussissait à atteindre l’Île, elle savait qu’elle pourrait y rester et échapper à jamais à ses poursuivants

et à ce qu’ils avaient fait de sa planète : des villes dans des bulles où l’on ne pouvait plus sentir la caresse du soleil, du vent ou de la pluie sur sa peau nue.

Plus de fleurs, de fruits, d’amour, de poésie.

 

Trois jours plus tard, elle abordait enfin sur l’Île au moment prévu…

Elle avait l’impression que les poésies s’étaient retenues d’éclore jusque là.

 

Tous se rassemblèrent autour d’elle et de son précieux fardeau qu’elle posa délicatement.

Il y eut un grand silence, comme si tous se retenaient de respirer. L’instant était empreint d’une grande solennité.

Puis une ovation s’éleva et autour d’elle tout explosa : la tension qui s’était accumulée pendant cette longue période d’attente

se mua en un vibrato sans fin de joie pure. Elle se rendit compte que sa robe était devenue écarlate, comme son cœur.

Alors à l’unisson l’arbre s’embrasa, en libérant toutes les poésies qui tombèrent comme de délicats pétales sur la tête de tous les poètes réunis. Émerveillés, ils découvrirent ces nouvelles poésies, venues du bout du monde qui comme chaque année

se mélangeraient à toutes celles qu’ils avaient écrites jusqu’à ce jour anniversaire du Printemps des Poètes.

Avec ce rite, ils étaient convaincus de lutter contre la chape d’obscurantisme qui peu à peu gagnait le monde sans âme

que leurs ancêtres avaient, malheureusement, contribué à créer.

 

Elle avait réussi ! Non seulement elle s’était échappée de ce monde sans âme, elle avait apporté l’Ephémère qui serait replanté ici

et vénéré pour le bonheur qu’il leur avait donné.

 

Quant à elle, de longues années de bonheur l’attendait ici. Elle savait qu’elle rencontrerait d’autres âmes-sœurs

et qu’elles écriraient ensemble plein de jolies petites poésies…. » MARIE B.

 

 

Poursuivons avec Josiane qui inscrit son histoire au cœur d’une nature majestueuse :

 

 

« Le 20 mars le printemps est là.

 

Le printemps des poètes, où sont-ils ces poètes ?

 

La jeune femme est sortie ce soir, pour le spectacle de la nuit, la lune, les étoiles.

Elle a une idée en tête, elle veut découvrir ce monde mystérieux.

 

Elle n’a pas eu l’occasion de le faire auparavant, elle s’échappe de la soirée donnée en son honneur, mais assez de tous ces gens superficiels.

 

Que connaissent ils de la nature ? Elle veut savoir de quoi elle est faite vraiment.

Elle veut rencontrer les oiseaux nocturnes, leur parler, les entendre se parler.

 

Elle s’en va, s’éloigne un peu et perd le chemin, mais elle n’est pas effrayée, se sent bien.

Après avoir découvert des traces d’animaux, elle s’assied sur un tronc d’arbre et scrute le ciel.

 

Tout est calme sous cette voute étoilée, voilà elle a trouvé sa voie, elle veut rester dans la nature, participer à la santé et l’amélioration de celle-ci.

 

C’est la charge qu’elle a pris sur son dos en emportant cette branche éphémère. »       JOSIANE

 

 

Bon éphémère à toutes et tous !

Laissons-le glisser son empreinte délicate, cruelle, sur tout ce que nous aimerions retenir.