Écrire comme on dessine

Les poètes parlent une langue inventée par eux seuls et saisie par tous.
Les poètes créent l'image inattendue, ils peignent les mots.
Les poètes éclairent tous ceux, toutes celles qui n'y comprennent rien.
Ou qui voudraient comprendre autre chose. Ou qui voudraient ne rien avoir à comprendre.
Les enfants sont poèmes.

Pour cet atelier d'écriture donné durant la Quinzaine dédiée à Mahmoud Darwich,
nous imaginons d'utiliser comme support ludique d'écriture 
une valise en carton (en 2 dimensions)sur laquelle écrire et dessiner.
La plasticienne Gillian Ferreira se met avec enthousiasme à la tâche. 
Plusieurs formats de valise, avec et sans roulettes, prennent corps afin que chacun.e y trouve son compte. 
Le Centre social Boris Vian, répond à cette proposition d'atelier d'écriture et prévoit de venir avec...23 enfants !
Au boulot ! Avec Gillian nous redoublons de coups de cutter dans son atelier pour que le compte de valises y soit. 

Le jour dit la joyeuse marmaille arrive en rang par deux, des sourires et des bonjours accrochés aux lèvres. 
Nous parlons un peu du poète aux enfants, de l'exil qu'il subit depuis son plus jeune âge.
Nous leur proposerons alors de répondre à ces trois questions : 

1. Qu'est-ce que tu emporterais avec toi si tu devais subitement quitter ta maison 
pour un endroit totalement inconnu et précaire ? 
(Inutile de préciser que ni le réel ni le raisonnable
ni la capacité de stockage de la valise ne doivent limiter la liste !)
2. Quel est le moment de ton quotidien que tu affectionnes particulièrement ? 
Un petit moment d'éternité à écrire en une phrase.
3. Quand tu es ailleurs, tu es...où ?

Bientôt, enfin!, un joli bazar envahit les locaux du CREFAD qui accueille cet atelier.
Chacun.e s'empare de sa valise, elle se remplit peu à peu et se colore.
Les mots s'entassent, se mélangent, s'interpellent.
Le dessin prend parfois le relais des mots, une autre écriture.
Et puis, il y a ce que l'on dispose à portée de main tout en haut, 
ou au contraire caché dans un recoin.

Finalement, dans la valise on y met sa mère ou son père, ou les deux, son frère ou sa soeur, ou les deux,
bref on finit par y mettre sa famille tout entière !
Une petite fille prendra avec elle son rire ("ah ah ah hi hi hi" écrit t'elle au dos de la valise).
D'autres le soleil pour avoir tout le temps chaud. 
D'autres encore les câlins de leur mère ou de leur père ou des deux pour avoir tout le temps chaud aussi.
Des animaux, des doudous, un fossile, des jeux, 
une garde-robe entière sur cintres accrochés à une penderie,
et même Boris Vian (non, pas l'auteur mais le Centre social !).

De grands petits mondes, avec et sans roulettes, surgissent. 
Emplis du quotidien, de l'intime, du pratique, du tendre, du fantaisiste. 
De peurs et de rêves. D'imaginaires.
Emplis d'une empreinte unique, la sienne.